La demi-journée d’étude organisée par le Groupe d’étude de philosophie japonaise (Institut français de recherche sur l’Asie de l’Est, Inalco / Université Paris-Cité / CNRS) aura lieu :
Samedi 28 octobre 2023, conférences en modalité hybride,
Amphi 5, Inalco 65 rue des Grands Moulins 75214 Paris
Programme
10h00 – 10h45 (heure au Japon 17h-17h45) suivi d’une demie heure de discussion
Grégoire JOUCLAS (Inalco), « Sur le fond romantique dans l’œuvre de Watsuji Tetsurô«
11h15-11h25 pause
11h25 – 12h10 suivi d’une demie heure de discussion
Arthur MITTEAU (Aix Marseille université, Institut de recherches asiatiques, IFRAE), « Les philosophes japonais de l’ère Meiji et Hegel : Fenollosa et Okakura ont-ils lu (et compris) Hegel ? »
12h40 : fin de séance
Pour le lien Zoom, prière de contacter : takako.saito@inalco.fr à partir du 25 octobre 2023
contact courriel : takako.saito@inalco.fr, akinobukuroda@gmail.com, arthur.mitteau@univ-amu.fr, simon.ebersolt@gmail.com, yukiko.kuwayama@inalco.fr
Résumés
1. Watsuji Tetsurô 和辻哲郎 (1889-1960), célèbre philosophe japonais du XXe siècle, est connu pour avoir théorisé l’idée d’interrelation (aidagara 間柄), selon laquelle l’essence de l’humain serait à chercher non pas dans les idées d’individu ou de société, mais plutôt dans les relations dynamiques qui unissent ces deux concepts.
En France et en Europe, l’essentiel de la recherche s’est concentrée sur l’interprétation de ses deux principales œuvres philosophiques : Le milieu humain (Fûdo 風土) et Éthique (Rinrigaku 倫理学). Bien que ce travail nous ait permis de découvrir avec intérêt la pensée de Watsuji, nous avons remarqué que plusieurs aspects restent encore mal compris ou peu traités, en partie parce que la méthode d’analyse gagnerait, selon nous, à employer les outils de l’histoire intellectuelle. En appréhendant sa pensée à différentes époques à l’aide d’une analyse comparée de ses manuscrits, nous avions pu souligner, par exemple, comment le matérialisme historique et la dialectique hégélienne, au-delà du Dasein de Heidegger, ont été au cœur de la construction de son système éthique.
Dans cet exposé, nous souhaitons adopter un point de vue plus large et remettre en valeur l’idée d’un « fond romantique » dans la pensée de Watsuji, qui prend sa source à la fois dans la littérature anglaise (Byron, Blake…) et l’idéalisme allemand (Schelling, Hegel…). La Naturphilosophie en particulier, avec son ambition de retrouver « l’être total de la nature », put participer à définir les lignes directrices de son éthique. Ce fond romantique se dévoile, pensons-nous, à travers un idéal esthétique irriguant toute son œuvre, des premières années nietzschéennes jusqu’à son dernier ouvrage sur l’architecture du palais de Katsura.
Notre exposé consistera non pas à « prouver » le rattachement de Watsuji au romantisme, mais à dégager un premier axe de réflexion à ce sujet, pour mieux comprendre les enjeux d’une pensée éthique qui, comme nous le savons, tend à essentialiser les communautés nationales. Nous commencerons par définir le romantisme dans un cadre général, puis japonais. Nous retracerons ensuite le parcours intellectuel de Watsuji à travers le prisme des mouvements intellectuels et artistiques rattachés à une forme de romantisme japonisé, dont la revue Shirakaba 白樺 (« le bouleau blanc ») fournira un bel exemple.
2. Le courant de pensée constitué par Okakura Tenshin et son ancien professeur Ernest Fenollosa est souvent présenté comme inspiré par la philosophie hégélienne, notamment à cause de leur usage du vocabulaire de l’idée et de l’idéal (myôsô et risô en japonais ; « Idea » ou « Ideal » en anglais), ou encore de leur convocation du modèle des formes de l’art. Pourtant, il apparaît à la lecture de leurs textes, et leur comparaison avec ceux du philosophe allemand, une certaine distance qui peut conduire à remettre en question, au moins partiellement, cette filiation, tant les références à la philosophie hégélienne semblent limitées et superficielles.
Ceci pose une question de méthode quand on étudie l’histoire des idées en particulier trans-culturelle : comment procéder pour établir un réel rapport intellectuel entre deux penseurs ? A quels indices s’attacher pour confirmer ou au contraire remettre en cause les effets déclaratoires ou réputations toutes faites ? L’étude du cadre matériels supports de la filiation (traductions, manuels, enseignements suivis), ne donnant que des indices extérieurs, ne saurait suffire : il faut aussi parfois risquer la lecture interne, quitte à proposer une interprétation.