Si les recherches visant à rendre leur place aux femmes dans l’histoire, la culture, la littérature et les arts se sont développées depuis les années 1990 dans le monde entier, il reste que trop souvent, soit ces recherches se centrent sur une figure féminine particulière qui occulte les autres, soit proposent une histoire à côté de l’Histoire qui maintient les femmes dans une position annexe sans les intégrer à l’Histoire officielle. Nous postulons que, dans les deux cas, c’est parce que le travail sur l’invisibilisation et/ ou l’instrumentalisation des femmes n’a pu être mené à son terme et que cette invisibilisation perdure dans le maintien d’un récit historique préexistant.

Travailler sur les processus qui ont conduit les historiens (quel que soit le domaine) à invisibiliser les femmes ou à les instrumentaliser demande de remettre en cause de façon radicale les présupposés idéologiques et culturels acquis dans le cadre de nos formations. En France, le travail de Michelle Perrot, Françoise Thébaud et Geneviève Fraisse pour la prise en compte des femmes dans l’écriture de l’histoire a ouvert un champ de possibles considérable. Mais les présupposés de genre, de classe ou l’européocentrisme (parmi d’autres) limitent encore notre champ de vision. En ce sens, la réflexion et les prises de position de bell hooks (1981) et G. Spivak (1988) sont une source d’inspiration pour le travail que nous vous proposons sur l’invisibilisation et l’instrumentalisation de celles que nous avons appelées les « pionnières oubliées » en Asie.

L’objectif de ce colloque est de mettre à jour les mécanismes ayant amené à ce que leur travail, leur action, leurs recherches, leurs écrits aient été minorés et continuent de l’être au profit d’homologues masculins (processus théorisé en tant qu’  « effet Matilda » en sciences). Pour cette première étape, les contributions portent sur les figures féminines ayant œuvré à la modernisation de leur nation en Asie (Chine, Corée, Japon, Vietnam entre autres) et ayant été « oubliées » dans le récit historique de la modernité de ces nations.

Programme

Jeudi 1er juin

10h accueil des participant.es

10h30 J. Estran, M. S. Wang et C. Lévy – introduction

Pionnières de l’espace public

Modératrice : Claire Dodane

11h-11h30

Marie-Laure Monfort (Université Jean Moulin – Lyon 3) « Mais où sont les vierges d’antan ? À propos des vierges chinoises auxiliaires des missions sous les derniers Qing »

11h30-12h

Jacqueline Estran (Université Jean Moulin – Lyon 3) « Histoire d’un oubli : la première revue féminine chinoise, le Nüxuebao ou Chinese Girl’s Progress (1898) »

12h-12h30

Christine Lévy « Kanno Suga : du stigmate à la redécouverte d’une journaliste professionnelle »

Invisibilisation dans la littérature

Modératrice : Sibylle Goepper

14h-14h30

Barbara Hoster (Monumenta Serica Institute) « Between Recognition, Taboo and Rediscovery – The Changing Reception of the Chinese Writer Su Xuelin 蘇雪林 (1897–1999) and Her Work »

14h30-15h

Li Shiwei (Aix-Marseille Université) « Du « sentimentalisme » au « réalisme socialiste »: marginalisation et instrumentalisation de Lu Yin 庐隐 (1898- 1934) à travers les critiques littéraires des années 1930 à 1980 »

15h-15h30

Cam Thi Doan (INALCO) « Thụy An : procès en sorcellerie dans le Nord-Vietnam (1956-1960) »

15h30 pause

Modératrice : Min Sook Wang

15h45-16h15

Noe Jee-hyun (Université Jean Moulin – Lyon 3)  « Heo Nanseolheon (1563-1589), poétesse reconnue, oubliée et retrouvée »

16h15-16h45

 Hwang In Soon (Duksung Women’s University, Corée du Sud) « Crossing of dual boundaries based on traveling and writing: a study on Hodongseorakgiwritten by Kim Geum-won »

16h45-17h15

Claire Dodane (Université Jean Moulin – Lyon 3)  « « Ne meurs pas! »: visibilité et instrumentalisation de la poésie de Yosano Akiko (1878-1942) sur la guerre »

18h15 – 19h Concert de guzheng 古筝 par Léane Dreyer (Conservatoire de Shanghai)

Vendredi 2 juin

Apparitions / disparitions

Modératrice : Jacqueline Estran

9h30-10h

Yue Yue (Université de Bretagne Occidentale) « Les émotions interdites – Chen Hengzhe, une pionnière abandonnée »

10h-10h30

Jin Siyan (Université d’Artois) « Représentation féminine dans le cinéma chinois (1934-1949) »

10h30 pause

11h-11h30

Luisa Prudentino (Université d’Artois) « La génération perdue de l’après Révolution culturelle dans le cinéma »

11h30-12h

Nicoletta Pesaro et Jin Wenxin (Université Ca’Foscari de Venise) « Herself under His Shadow: The In/visibility of Sylvia Plath and Anne Sexton in Chinese Translations and the Canonisation of Zhai Yongming and Shen Rui’s Poetry »

12h00 repas

Lutte et effacement dans les avant-gardes

Modératrice : Jin Siyan

13h30-14h

Min Sook Wang (Université Jean Moulin Lyon 3) « Na Hye-seok 나혜석 (1896-1948), une féministe coréenne avant l’heure »

14h-14h30

Xu Demin (Université Paris Nanterre) « Le genre dans la mémoire transmise : Liang Tianyong et Zhang Yalan dans le mouvement Travail-Études des années 1920 en France »

14h30-15h

Laure Zhang (Université de Genève) « Les forces et les faiblesses professionnelles de la première génération d’avocates en Chine : le cas de Shanghai (1927-1949) »

15h pause

15h30 table ronde

16h30 fin du colloque