Veuillez trouver ci-dessous des informations concernant la de soutenance de Romain Lebailly :

“Du jukebox à Sonic : Sega, une entreprise japonaise de jeux vidéo au cœur des échanges culturels globaux (1973-2001)”
Lundi 13 novembre 2023 à 9h

Salle Jean-Baptiste Duroselle, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne
17 rue de la Sorbonne 75005 Paris

Le jury est composé de :

Julien Bouvard, maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3
Isabelle Gaillard, maîtresse de conférences, Université Grenoble-Alpes
Michael Lucken, professeur des universités, Inalco (rapporteur)
Emmanuelle Loyer, professeure des universités, Sciences Po (rapporteure)
Pierre Singaravélou, professeur des universités, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne (directeur de thèse)
Sylvain Venayre, professeur des universités, Université Grenoble-Alpes (directeur de thèse)

Résumé
Cette monographie se propose de retracer le parcours d’un acteur particulier de l’industrie vidéoludique japonaise, Sega, sous un angle d’histoire culturelle et d’histoire des circulations. Pionnière du jeu vidéo japonais dès 1973, cette entreprise a en effet pour originalité de connaître, à partir du milieu des années 1980, un succès plus important en dehors des frontières du Japon que dans le pays même. Pourtant, au milieu des années 1990, Sega connaît un retournement de situation et voit ses activités à l’étranger péricliter, tandis qu’elle se concentre sur le marché japonais, au prix d’un déclassement marqué par l’arrêt de sa production de consoles en 2001. Cette trajectoire originale, qui appelle une analyse donnant leur place tant aux réussites qu’aux échecs, reste peu explorée par une historiographie extra-universitaire inégale, mais aussi par des travaux académiques forgés autour d’un paradigme centré sur la technique ou les aspects ludiques. Par ailleurs, les historiens eux-mêmes se sont très peu penchés sur l’objet jeu vidéo. Cette thèse se veut donc être une porte vers une histoire sociale des représentations vidéoludiques centrée autour de l’acteur Sega, à même d’éclairer plus largement l’histoire du jeu vidéo japonais sous un angle culturel. L’abondance de sources, notamment rassemblées par des amateurs, permet en effet d’ambitionner l’élaboration d’un tableau complet de Sega partout dans le monde, tant en tant qu’entreprise dotée d’une organisation et d’un fonctionnement particuliers, qu’en tant que productrice de biens culturels. Ces derniers, traités de manière tant quantitative que qualitative, éclairent les modalités mais aussi les significations des circulations vidéoludiques, à une période d’intensification de l’exportation des jeux vidéo japonais à l’échelle globale.

    Entreprise japonaise de machines de divertissement avant 1973, Sega, actrice de l’américanisation du pays, se tourne logiquement vers le jeu vidéo lorsque les premières bornes d’arcade sont commercialisées aux États-Unis en 1972. Copiant dans un premier temps les productions américaines, Sega, à mesure que l’intérêt pour le médium grandit, tourne entièrement son fonctionnement interne vers l’innovation vidéoludique. Cela lui permet de devenir leader du marché japonais de l’arcade dans les années 1980, mais aussi d’exporter sa production. L’entreprise, qui cherche un équilibre avec les États-Unis où elle installe une partie de ses activités, entretient un réseau de distribution large. Toutefois, sur le marché des consoles où elle se lance en 1983, Sega est distancée par sa concurrente Nintendo. C’est pour parvenir à rivaliser avec celle-ci qu’elle adopte un fonctionnement très original au sein de l’industrie vidéoludique japonaise : la transnationalisation. En laissant une grande autonomie à ses filiales aux États-Unis et en Europe, contrairement aux pratiques de ses concurrentes, Sega permet l’éclosion de marketings dédiés pour ses différents publics, et surtout l’adaptation de la création vidéoludique, qu’il s’agisse de l’élaboration de la mascotte Sonic, ou de la mise en place d’un processus rationalisé d’exportation et de localisation des jeux produits au Japon. Il s’agit là d’un facteur décisif dans le succès que Sega rencontre aux États-Unis et en Europe, alors même qu’elle n’arrive pas à concurrencer Nintendo au Japon. Pourtant, des conflits dans le fonctionnement transnational de l’entreprise ont raison du succès de l’entreprise à partir de 1995. Il n’en reste pas moins qu’alors qu’elle souhaite effacer sa japonité à l’étranger, Sega produit des jeux vidéo où persistent plus ou moins explicitement des marques de celle-ci, ce qui participe au développement, chez une partie des joueurs à l’étranger, d’une nippophilie contemporaine.