La troisième séance « Les paysages culturels et médiatiques en Asie »: Les enjeux de genre dans les industries cinématographiques – les femmes à l’écran et derrière la caméra, consacré aux dynamiques de genre dans le cinéma en Asie de l’Est aura lieu vendredi 28 février 2025 de 13h30 à 16h. Pour cette session, nous aurons le privilège d’écouter deux interventions.
Sujin Kim (EHESS)
« L’émergence des femmes productrices des années 1990 et la Renaissance du cinéma sud-coréen«
Depuis la naissance du cinéma coréen en 1919, les femmes ont toujours été présentes dans ce domaine, mais elles ont été sous-représentées. À l’exception des actrices, leurs noms apparaissaient rarement dans cette industrie longtemps dominée par les hommes. On ne comptait que cinq réalisatrices avant le milieu des années 1990, à commencer par Park Nam-ok, la première en 1955. Cependant, les années 1990 marquent une rupture générationnelle dans le domaine cinématographique sud-coréen, voire dans l’histoire des femmes du cinéma. Après une sombre période dans les années 1970, les années 1980 – tourmentées à la fois par le 5ème amendement de la loi sur le cinéma et par l’arrivée de la distribution directe de films hollywoodiens – préparent néanmoins une nouvelle ère dans les années 1990 et 2000, connue sous le nom de Renaissance du cinéma sud-coréen. Ce phénomène, cette fois-ci, n’exclut pas les femmes mais leur permet de prendre une place importante, comme en témoigne l’émergence des productrices dans le processus de spécialisation de ce métier. Notre présentation vise à éclairer ce développement sans précédent dans l’histoire du cinéma sud-coréen et à interroger également l’aspect genrée de ce métier. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les archives des Archives du cinéma coréen, ainsi que des entretiens avec certaines productrices et professionnelles, entre autres sources.
Bérénice M. Reynaud (Université d’Aix-Marseille)
« Les Anges portent du blanc de Vivian Qu : vulnérabilité́ et résistance au cinéma en Chine «
« C’est une histoire sur les femmes. A propos de la société qui façonne notre connaissance et nos valeurs. Des choix qui nous sont permis et du courage d’en faire d’autres. Sur les rôles interchangeables de la victime et du spectateur. A propos de vérité et [de] justice. » (extrait du dossier de presse français des Anges portent du blanc)
A travers l’analyse du film les Anges portent du blanc (2017) de la réalisatrice chinoise Vivian Qu (文晏), cette présentation abordera les façons d’aborder et surtout de représenter les violences sexuelles à l’écran. Les travaux de Judith Butler sur l’articulation entre vulnérabilité et résistance apportent un éclairage théorique à la mise en scène de Vivian Qu, qui parvient à éviter à la fois l’écueil de la victimisation comme du paternalisme pour mieux insister sur la dimension systémique de ces violences. Ensuite, comment procéder dans un pays qui censure toute œuvre critiquant ouvertement les autorités ? La comparaison avec deux autres œuvres abordant un sujet similaire, un documentaire sur une activiste chinoise, Hooligan Sparrow (2016) et le film coréen Silenced (2013) de Hwang Dong-hyuk, permettra de distinguer la mise en scène de la réalisatrice, qui invite davantage à la réflexion qu’à une réaction émotionnelle viscérale en évitant le sensationnel. Dans un second temps, c’est la performativité du genre féminin en Chine contemporaine qui sera commentée avec l’utilisation des couleurs rose et blanche mais aussi la figure de l’actrice Marilyn Monroe, présente sous la forme d’une statue gigantesque au bord de la mer dans le film.
Cette séance permettra d’apporter des perspectives passionnantes sur la place des femmes dans l’industrie cinématographique ainsi que la manière dont le cinéma peut devenir un espace de résistance et de réflexion sur les violences systémiques.
L’équipe organisatrice du séminaire : Chiharu Chujo, Mélanie le Forestier, Sujin Kim et Woojin NA.