Cycle de conférences « Productions et pratiques culturelles du Japon contemporain »
Séance 2 : Propagande étatique et culture populaire (vendredi 17 mars 9h -11h)
Discutante : Élise Voyau (Inalco)
Lien vers le formulaire pour accéder à Zoom : https://forms.gle/b2CT5fKfjd8A4xfn8
1. Julien Bouvard (Maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3)
Des armes pour la paix ? Comment le discours en faveur du réarmement du Japon se déploie dans le manga.
Peut-on faire la promotion du réarmement du Japon tout en prônant la paix ? On sait que les politiciens conservateurs japonais rencontrent des difficultés pour justifier les hausses des dépenses militaires, dans un pays où l’opinion publique reste, malgré leurs efforts, attachée au fameux article 9 qui interdit en théorie le pays de se doter d’armes offensives. Pour convaincre de la nécessité d’un Japon fort militairement, le ministère de la Défense du Japon a mis en place différentes stratégies médiatiques, en y intégrant notamment le manga depuis le milieu des années 2000, alors que les pouvoirs publics commençaient tout juste à s’y intéresser comme soft power potentiel. Depuis 2005, il publie ainsi des versions dessinées de ses « Livres blancs de la défense » (Bôei hakusho) dont le but est manifestement d’évangéliser un public profane et jeune sur les dangers contemporains auxquels est confronté le Japon sur la scène internationale.
Cette présentation se concentrera sur quelques mangas qui relèvent de cette stratégie, en analysant leur contexte de publication, mais aussi leur contenu et leur rhétorique, parfois paradoxale, car mélangeant les aspects les plus fétichistes de l’esthétique militaire et des messages en faveur de la paix.
2. Fabien Carpentras (Maître de conférences, Université nationale de Yokohama)
Les films réalisés en coopération avec les Forces japonaises d’autodéfense : un exemple de propagande grise dans la culture populaire
Dans cette présentation nous nous intéresserons principalement à l’adaptation filmique du manga à succès Porte-avion Ibuki (Kûbo Ibuki, 2014-2019) pour montrer comment le Ministère de la Défense japonais est sciemment engagé, depuis une trentaine d’années, dans une activité de propagande indirecte ou « grise ». En effet, si le soutien des Forces japonaises d’autodéfense à certaines productions filmiques n’est pas un secret, des moyens et une énergie considérables sont déployés pour faire passer cette coopération comme bénigne et parfaitement transparente. Porte-avion Ibuki et d’autres réalisations montrent au contraire que les militaires interviennent très tôt dans le processus de production (sur Godzilla Resurgence – Shin Gojira, 2016 –, avant même que la version finale du scénario ne soit établie) et sont capables de modifier en profondeur le contenu de certaines œuvres sans que le spectateur ne soit jamais averti de leur degré d’intervention.