C’est avec tristesse que nous vous annonçons le décès de Francine Hérail, qui fut, entre bien d’autres distinctions, la première membre d’honneur (2015) de la SFEJ.
Elle s’est éteinte avant-hier dans la nuit.
Nathalie Kouamé a eu la gentillesse de rédiger un texte évoquant sa mémoire, que nous joignons à ce message.
Pionnière en France de l’histoire du Japon classique, elle nous a donné une oeuvre imposante et fondamentale, servant de référence à de nombreux travaux jusqu’à aujourd’hui encore. Citons notamment :
- Histoire du Japon des origines à Meiji, Paris, Publications orientalistes de France, 1986, 462 p.
- Histoire du Japon, des origines à nos jours, Hermann, 2013, 1413 p. (rééd.)
- La Cour et l’Administration du Japon à l’époque de Heian, Droz, 2006, 793 p. (rééd.)
- Recueil de décrets de trois ères méthodiquement classés, traduction et commentaire du Ruiju sandai kyaku, livres 8 à 20, École Pratique des Hautes Études, Sciences historiques et philologiques, Hautes Études Orientales, et livres 1 à 7, Hautes Études Orientales, Genève, Droz, 2008 (811 p.) et 2011 (779 p.)
- Notes journalières de Fujiwara no Michinaga (995-1018), traduction du Midô kanpakuki, Genève et Paris, Droz, 1987, 1988 et 1991, (tome 1 : 640 p. ; tome 2 : 782 p. ; tome 3 : 772 p.).
Les obsèques auront lieu le mercredi 10 avril prochain à 14h30, à l’église de Jougne (Doubs).
Texte de Nathalie Kouamé
Une page de l’histoire de la japonologie française vient de se tourner aujourd’hui avec la disparition de Francine Hérail.
Les plus anciens de notre communauté ont tous eu l’occasion de lire ou de rencontrer cette grande historienne et savent l’importance de son travail et l’étendue de ses connaissances; les plus jeunes doivent savoir en ce jour ce qu’ils lui doivent quand bien même ils n’auraient pas eu l’occasion de la croiser ou de se plonger dans les milliers de pages qu’elle a produites sur l’histoire générale du Japon et l’époque de Heian.
Née en 1929, normalienne, agrégée d’histoire, professeur à l’INALCO (1974) puis directrice d’études à l’EPHE (1981), Francine Hérail a donné à l’historiographie française japonisante la dimension scientifique que celle-ci possède de nos jours. Francine Hérail fondait en effet son immense savoir historique sur une connaissance des plus approfondie et des plus fine des textes d’époque, que ces matériaux soient rédigés en japonais ou en chinois classique. Ce « goût de l’archive » japonaise, largement partagé aujourd’hui par les chercheurs japonisants, n’allait pas de soi à l’époque où Francine Hérail se lança dans la voie, qu’elle disait « sans fin », des études sur l’histoire de l’archipel.
C’est en ce sens que nombre d’entre nous lui devons beaucoup, que l’on ait été, comme moi, son élève, ou que nous ayons baigné, directement ou par nos maîtres, dans l’atmosphère qu’elle et quelques autres pionniers de sa trempe imprimèrent aux études japonaises hexagonales durant la seconde moitié du vingtième siècle.
Un maître mot résume cet apport: rigueur, une qualité dont témoignent en particulier ses traductions minutieuses de sources primaires essentielles de l’histoire du Japon classique, depuis les codes de l’administration aux journaux privés et autres mémoires des aristocrates fonctionnaires qui se trouvaient au coeur de la vie politique.
Ceux qui ont rencontré Francine Hérail vous parleront à coup sûr de la douceur de son ton, de sa discrétion, et de sa modestie non feinte. Ceux qui l’ont connue évoqueront son humour, sa juste appréciation de la nature humaine, son amour pour la littérature française, et son penchant pour les questions économiques. Mais, pour nous tous, son nom, son œuvre et son image resteront à jamais attachés au monde unique de l’aristocratie de cour du Japon ancien, un monde que nul ami du Japon ne saurait ignorer sans prendre le risque de méconnaître ce pays.
Nul doute : il nous faut encore, et toujours, lire Francine Hérail.
Nathalie Kouamé, le 4/4/2024
Celles et ceux qui souhaiteraient connaître un peu plus précisément le parcours de l’historienne Francine Hérail pourront consulter l’ouvrage issu d’entretiens entre Nathalie Kouamé et Francine Hérail, Conversations sous les toits – De l’histoire du Japon, de la manière de la vivre et de l’écrire, éditions Philippe Picquier, 2008.