Arthur Defrance a le plaisir de vous annoncer la soutenance de sa thèse, réalisée sous la direction du professeur Jean-Noël Robert, intitulée :

“La poésie au Japon à l’époque Nara : entre recréation de la Chine et création de la tradition nationale”
Jeudi 15 décembre 2022 à partir de 11h
Entièrement en ligne, sur Teams

Résumé

Notre thèse s’intéresse à l’époque de Nara (710-794) et examine les deux recueils poétiques les plus anciens de l’histoire littéraire japonaise, le Kaifû-sô (« Recueil du souvenir de l’ancienne manière », 751) et le Man’yô-shû (« Recueil des myriades de feuilles », après 759). Le premier est un court recueil de poèmes en chinois classique et le deuxième est un long recueil composé de près de 4500 pièces, dont la plupart est écrite en japonais. Ces deux recueils contemporains nous permettent de revenir sur l’une des questions cruciales de l’histoire littéraire japonaise : le lien entre la littérature écrite en japonais et celle écrite en chinois classique, cette deuxième constituant plus de la moitié de la production littéraire du Japon prémoderne. La question est ordinairement saisie au prisme de la dialectique culturelle wakan (« Japon et Chine »), un concept de l’époque de Heian (794-1192) peu applicable tel quel à notre époque de Nara. Notre travail aborde la question de ce lien au travers d’un angle peu étudié : celui des langues. Empruntant aux réflexions sur le bilinguisme et la perception des langues dans les sociétés anciennes (Rome, l’Europe médiévale et renaissante, l’Inde prémoderne), nous montrons que l’époque de Nara est très diverse linguistiquement et qu’elle est en outre un moment nouveau d’ouverture linguistique. Cette ouverture amène à une transformation des attitudes vis-à-vis des différentes langues (les « consciences linguistiques » de Harald Weinrich) et à un bouleversement du paysage des langues (l’ « ordre langagier » d’Andrew Ollett). Le Japon de Nara est un pays très multilingue et dont la langue littéraire et la langue de cour se définissent en relation à cette multiplicité. De plus, alors que le Japon avait appris à lire le chinois classique dans sa propre langue vernaculaire grâce au procédé du kundoku (« la lecture vernaculaire »), il reprend contact avec le chinois de Chine. Le chinois resinifié forme donc une nouvelle entité linguistique, plus que jamais distincte du japonais. Nous soutenons que les bouleversements linguistiques ont des conséquences capitales pour la formation du corpus poétique du Japon de Nara. Les deux langues sont plus distinctes que jamais et nos deux recueils reflètent ce haut degré de distinction. Chacun propose ainsi un récit distinct de l’histoire de la littérature japonaise, qui permet d’ignorer ou de marginaliser l’autre corpus linguistique. Chaque récit est aussi au service d’une faction politique, qui tire son prestige et sa position sociale d’une identification à l’une des deux langues. Nous montrons également que les formes de poésie hybrides mêlant japonais et chinois classique (dans le Man’yô-shû, notamment) sont non seulement marginalisées, mais également de plus en plus rares à mesure que l’écart linguistique se creuse entre les langues. Nous suggérons enfin que l’ordre langagier de l’époque de Nara n’a pas su perdurer et que la dialectique wakan réunissant le chinois et le japonais dans un ordre commun ne peut s’établir que sur les ruines de celui de Nara.

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