Mr Damien Peladan a soutenue le 7 janvier 2021 une thèse intitulée « Le temps de la grande piraterie japonaise : Transformation des circulations maritimes en mer de Chine orientale, 1350-1419 » devant un jury composé de :
- Dr Charlotte VON VERSCHUER, DR (rapporteure), Ecole Pratique des Hautes Etudes
- Pr Angela SCHOTTENHAMMER, PU (rapporteure), Katholieke Universiteit te Leuven
- Dr Paola CALANCA, MCU (examinatrice), Ecole Française d’Extrême-Orient
- Pr Yannick BRUNETON, PU (directeur de thèse), Université de Paris
- Dr Guillaume CARRE, DR (co-directeur de thèse),EHESS
Lien vers l’annonce sur le site de l’Université de Paris : ici
Résumé de la thèse :
L’année 1350 fut marquée par l’irruption soudaine en mer de Chine orientale de groupes pirates émanant de l’archipel japonais. Ces flottes, qui écumaient année après année les côtes coréennes et chinoises et rassemblaient bien souvent plusieurs centaines de navires et plusieurs milliers d’individus, bouleversèrent profondément le fonctionnement général des circulations maritimes en Asie orientale. Alors que l’espace maritime est-asiatique était jusqu’alors dominé par l’activité des marins chinois, au point que la période s’étendant du IXe au milieu du XIVe siècle a parfois été baptisée le « temps des marchands chinois », ces derniers furent bientôt supplantés par les marins japonais, et en particulier les pirates, qui devinrent dans la seconde moitié du XIVe siècle et début du XVe siècle les principaux acteurs des circulations matérielles en mer de Chine orientale.
La présente étude vise à comprendre en quoi la période 1350-1419, que nous avons baptisée le « temps de la grande piraterie japonaise », se démarque de la précédente du point de vue du fonctionnement général des circulations en mer de Chine orientale — qu’il s’agisse tant des circulations humaines, matérielles ou encore des informations et des techniques — et dans quelle mesure la piraterie fut partie prenante de ces changements. Pour ce faire, elle traite de questionnements aussi variés que l’évolution des réseaux marchands et de leur articulation avec les circuits de revente du butin des pirates, les types de navires et les routes que les pirates employaient au cours de leurs campagnes de razzia, ainsi que les rapports entre les pouvoirs politiques et les pirates, tant au Japon que sur le continent.
Nous arguons ainsi qu’il existait en réalité deux types de piraterie, et ce dès le milieu du XIVe siècle : la première était une piraterie de circonstance, d’ampleur réduite et n’opérant guère plus loin que dans le détroit de Corée ; la seconde était une piraterie spécialisée regroupant des effectifs qui se comptaient généralement en milliers d’hommes, et dont le rayon d’action s’étendait à l’ensemble des rivages de la mer de Chine orientale, et parfois même plus loin encore. C’est d’ailleurs l’émergence de cette seconde piraterie qui caractérise la période 1350-1419, la première existant de façon quasi continue durant la majeure partie du Moyen âge. Nous montrons également que le nombre de ces grandes flottes évolua avec le temps : d’une seule pour la majeure partie de la période 1350-1368, leur nombre s’éleva à deux et même parfois trois durant les années 1369-1419.
Nos travaux mettent par ailleurs en évidence le fait que les navires employés par les pirates connurent eux aussi une évolution sensible entre le milieu du XIVe et le début du XVe siècle. D’abord principalement composées de « pirogues à bordés », des petits navires typiques de la construction navale japonaise du haut Moyen âge, les flottes en vinrent à partir des années 1370 à incorporer dans leurs rangs des jonques chinoises. Puis, à partir de la fin du XIVe siècle, elles employèrent un nouveau type de grand navire, vraisemblablement développé au Japon pour répondre aux besoins de l’activité pirate en mer de Chine orientale et fortement influencé par les techniques de construction navale du continent, coréennes en particulier. Enfin, cette étude s’attache à analyser les circuits économiques alimentés par la piraterie, et la manière dont les cargaisons rapportées du continent — céréales et esclaves tout d’abord, mais aussi céramiques, statues, gongs, cloches, soutras ou encore peintures — furent écoulées d’abord à l’intérieur du Japon, puis à partir du début du XVe siècle dans les ports coréens également. Nous montrons ce faisant que l’activité pirate des années 1350-1419 dépassait bien souvent le stade de la simple subsistance et fut en réalité un facteur de prospérité pour les populations qui s’y adonnaient.